[Hommage] Jean-Louis Crémieux-Brilhac
Mise à jour le 7 avril 2025

Jean-Louis Crémieux-Brilhac nous a quittés le 8 avril 2015. 10 ans déjà.
À l’occasion des 80 ans de La Documentation française, il est important de conserver le sens de l’action et de revenir aux origines : "C’est le devoir d’une démocratie. C’est un devoir informatif de l’État démocratique qui ne concurrence en aucune façon le rôle de la presse, laquelle doit être complètement libre de ses commentaires. Ce devoir informatif de l’État doit se tenir en amont et apporter des synthèses provisoires ou des éléments de connaissances regroupés qui doivent être présentés de manière absolument neutre, non conflictuelle et dans le cas où plusieurs opinions sont en concurrence la diversité des opinions doit être respectée en indiquant les différentes sources. ".
Jean-Louis Crémieux-Brilhac, celui que l’on présente toujours comme résistant et historien de la France libre eut un itinéraire exceptionnel qui méritait d’être restitué. Pour comprendre le contexte de cette expérience hors du commun, Jean-Louis Crémieux-Brilhac est devenu à 65 ans un historien. Bien que ne faisant pas partie du monde universitaire, la qualité et la richesse de ses travaux lui ont immédiatement valu la reconnaissance du milieu. On lui doit notamment « Les Français de l’an 40 », où il s’est attaché en plus de 1300 pages à analyser dans toutes les composantes de la société française les facteurs pouvant expliquer la défaite de 1940.
Son histoire de La France libre parue en 1996 reste à ce jour l’ouvrage de référence sur le sujet. Crémieux-Brilhac fut l’un des pionniers du développement de l’informatisation en France, il officia comme conseiller de l’ombre auprès de Pierre Mendès-France, joua un rôle dans la défense d’une véritable politique de la Recherche en France et est cofondateur de la Documentation française qu’il dirigea pendant plusieurs décennies.
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Deux extraits de l’ouvrage de Julien Winock, préfacé par Olivier Wieviorka, dans la collection Doc’en poche Regard d’expert Jean-Louis Crémieux Brilhac, Servir la France, servir l’État.
Son rôle dans la France libre
Premier extrait
« Le sous-lieutenant Brilhac ayant fait ses preuves dans différentes tâches, il se voit accorder la direction du service de la diffusion clandestine. Chaque mois, il faut réaliser une synthèse rigoureusement documentée pour les besoins de Rex, l’informant à la fois de la situation de la France libre mais aussi de celle des pays alliés. Le tout est destiné à être parachuté pour la délégation clandestine et les journaux clandestins. Rex vient en effet de créer à Lyon un bureau d’information de la France libre qu’il s’agit d’alimenter. La diffusion est cependant rapidement étendue aux principaux mouvements et journaux clandestins pour atteindre vingt-neuf destinataires au printemps 1944.
Pendant près de deux ans, Brilhac préside ainsi à la rédaction du courrier clandestin mensuel vers la France d’un volume de 100 à 150 pages polycopiées. On y trouve une synthèse des événements du mois avec différents documents bruts, pour l’essentiel des discours et des textes juridiques. L’envoi comporte également une revue de presse établie à partir d’une sélection d’extraits d’éditoriaux anglais et américains ainsi que des études traitant de diverses questions politiques et économiques. Certaines de ces études ont une importance toute particulière ; c’est le cas notamment du rapport Beveridge qui pose les jalons de ce que sera le Welfare state au Royaume-Uni après la guerre. »
La création de la Documentation française
Deuxième extrait
« À la Libération, ce que l’on appellerait de nos jours le paysage médiatique est comme sinistré. Durant quatre années, la propagande allemande et vichyste a régné en phagocytant aussi bien les journaux, les radios que les services documentaires des administrations. À Londres, Jean-Louis Crémieux-Brilhac a eu l’occasion d’observer a contrario la qualité des services documentaires. Il restait à la France à se mettre à niveau, ce qui ne peut venir d’une initiative privée. L’État a donc vocation à prendre en charge cette mission. […] Marcel Koch est en quête d’un adjoint de qualité pour mener son projet. Jean-Louis Crémieux-Brilhac s’impose très vite comme l’homme de la situation. N’a-t-il pas lui aussi mis en place à Londres, au commissariat à l’intérieur, un service de documentation et de diffusion destiné aux responsables des réseaux clandestins ? En octobre 1944, le délégué à l’information pour la zone nord, l’angliciste Jean-Jacques Mayoux, réunit dans son bureau Marcel Koch et Jean-Louis Crémieux-Brilhac. À tous deux il revient de tirer profit de leurs expériences respectives, de fusionner les deux services de documentation qu’ils ont chacun constitués et de mettre en œuvre ce projet ambitieux d’une documentation publique de haut niveau au service de la République renaissante.
De très bonnes relations se nouent d’emblée entre les deux hommes qui, par leur parcours et leur personnalité, se complètent. Marcel Koch a une conception moderne de la documentation, qui ne repose pas sur une simple accumulation d’informations. Dans ce qu’il appelle la « documentation dynamique », les chercheurs comme les décideurs doivent pouvoir accéder à des synthèses provisoires constamment réactualisées, ce qui implique qu’elles soient rédigées par des rédacteurs analystes d’excellent niveau et qu’elles soient publiées. Fort de son expérience londonienne, Crémieux-Brilhac met en avant, quant à lui, le principe d’un droit de savoir (« right to know ») théorisé par le travailliste Francis Williams. L’exigence semble aujourd’hui évidente, mais elle fait, comme on l’a vu, largement défaut jusqu’alors : une démocratie digne de ce nom suppose des citoyens éclairés donc bien informés et non pas abreuvés des seules paroles officielles. C’est du reste dans cet esprit que la BBC a conçu ses programmes durant la guerre, en s’adressant à des auditeurs adultes, censés être doués de raison, et non à des masses dont il aurait fallu façonner les esprits. Encore faut-il donner aux citoyens un accès facile à des moyens d’information fiables. Pour y répondre, une véritable mission informative d’État avait été mise en place au Royaume-Uni dès les années 1930. Jean-Louis Crémieux-Brilhac va donc s’employer à doter la France d’un outil comparable. »
Relire La Documentation française : 70 ans
Abondamment illustré (photographies des lieux des métiers des acteurs qui ont marqué la maison couvertures d’ouvrage et de périodiques…) l’ouvrage des 70 ans de la Documentation française offre tout à la fois un riche témoignage patrimonial et une réflexion vers l’avenir à l’heure des grandes évolutions numériques.
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