Sur nos traces. Récits de persécution, spoliation, réparations

Un ouvrage de mémoire qui articule quinze récits de familles juives – ayant toutes déposé une demande d’indemnisation devant l’État français - dépouillées de leurs biens et persécutées sous l’Occupation, et l’éclairage de l’historienne Anne Grynberg.

Les éditions La Documentation française, en partenariat avec la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations, publient Sur nos traces – Récits de persécution, spoliation, réparations. Un ouvrage singulier par son traitement unique : le croisement des récits de vie des témoins et les éclairages de l’historienne, dans une logique de complémentarité et de dialogue entre victimes directes et jeunes générations.

Le premier rapport fondamental de la Mission Mattéoli (1995) a mis en évidence le fait que la spoliation matérielle des « biens juifs », personnels et professionnels, a été constitutive du processus génocidaire, l’objectif étant de priver les Juifs de toute ressource, de leur « rendre la vie matériellement impossible ». Un fil conducteur historique situe les événements familiaux du témoin dans une chronologie qui permet aussi aux requérants de reconstituer un puzzle dont ils peinaient jusqu’alors à retrouver de nombreuses pièces.
À la lecture de ces récits, il apparaît avec force que la part du hasard n’est pas à négliger. Ainsi, la décision de s’en remettre à tel passeur pour franchir clandestinement la ligne de démarcation se fondait bien souvent sur une conjoncture — un contact, une rencontre… — porteuse d’aléas et qui pouvait, selon les cas, être synonyme de sauvetage ou de tragédie. Se faire recenser ou non ? Se cacher — et pour aller où ? Tenter de passer en zone non occupée ? « Planquer » ses enfants ? Mettre ses meubles à l’abri dans un garde-meubles, ses bijoux dans un coffre ? Ces décisions n’ont pas toujours pu être prises de manière raisonnée.
On remarque aussi que les témoins persécutés n’évoquaient que rarement les « confiscations » et pillages de biens matériels subis par leurs familles, comme s’il s’agissait ici de sujets trop triviaux dans le contexte des drames vécus, peut-être aussi par crainte de voir réactiver le stéréotype de la collusion entre les Juifs et l’argent, « rapprochement nauséeux » si profondément ancré dans les mentalités.

L’auteur
Anne GRYNBERG est professeure des Universités, spécialiste de la Shoah, de l’histoire et de la mémoire de la France de Vichy et de l’occupation. Elle a longtemps animé, à l’université Paris I /Panthéon-Sorbonne, le séminaire sur l’histoire des Juifs d’Europe à la période contemporaine. Elle est membre de plusieurs équipes de recherche (CREE / INALCO, IHTP/CNRS) et conseils scientifiques de musées-mémoriaux (Mémorial de la Shoah, Musée-Mémorial du camp de Rivesaltes, Mémorial du camp des Milles). Elle a participé à plusieurs projets muséologiques, tant en France qu’à l’étranger : Musée-mémorial du CDJC à Paris (2002-2004), Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme (1998), Musée-Mémorial des Enfants d’Izieu (1994), United States Holocaust Memorial Museum (1993). Elle a été membre du groupe de réflexion international sur le réaménagement du Musée d’Auschwitz et du site de Birkenau (1990...) et de la Commission de réflexion sur la modernisation des commémorations publiques (2008-2009), présidée par le Pr. André Kaspi. Elle a été conseillère scientifique de plusieurs films documentaires.
Elle est par ailleurs directrice scientifique du Comité d’histoire auprès de la Commission d’Indemnisation des Victimes des Spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur sous l’Occupation (CIVS).

Sommaire
Préface de Jean-Claude Grumberg
Introduction d’Anne Grynberg

Récits de vie :
Récit 1 : Jacques Caen. Des « israélites français » que le gouvernement de Vichy ne protégea pas…
Récit 2 : Les familles Dreyfus et Bernheim. Hommes d’affaires, mécènes, résistants
Récit 3 : Francis Harburger. Les tableaux perdus
Récit 4 : Rachel-Marcelle Gluck. Alsace -Lorraine / Transylvanie, destins croisés
Récit 5 : La famille Lévy-Bercoff. Une confiance éperdue dans la France des Lumières
Récit 6 : Anna et Boris. Les oubliés
Récit 7 : Bella Ariel. L’étoile de la mode venue des rives du Bosphore
Récit 8 : La famille Gromb. « L’absence pour mémoire »
Récit 9 : Albert Bigielman. Le « poulbot » de Ménilmontant déporté à l’âge de onze ans
Récit 10 : Esther Dzik-Senot
Récit 11 : Ezer Najman. La Résistance au cœur
Récit 12 : La famille Pohoryles. Des Ostjuden galiciens venus d’Allemagne
Récit 13 : Les frères Salmon. Des réfugiés juifs sarrois devenus agriculteurs dans la Drôme
Récit 14 : La famille Zamor. La chasse aux enfants juifs
Récit 15 : Paul Niedermann. Travail de mémoire et devoir de transmission

Avertissement
Scandant les points essentiels des témoignages, des mises en contexte historique apparaissent dans une typographie différente du récit de spoliation.
Nulle hiérarchie entre ces deux approches, entre ces deux formes d’écriture, mais bien plutôt une complémentarité et un accompagnement, comme un dialogue entre l’histoire générale et la vie personnelle de ces témoins et de leurs proches, dans une interaction parfois complexe, toujours féconde.

HISTOIRE

A paraître le 26 septembre 2023
408 Pages – 27 euros
200 illustrations


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